Texte et photos © Richard Feilen

Au gré des rencontres

Au pays de la Merveille, le Blues en Suisse se porte très bien, avec les multiples salles de concerts, opéras, club de Blues, festivals et hôtels de luxe. Les artistes ont l’embarras du choix sur tout le territoire de ce petit pays de 5 millions d’habitants.

La Suisse, ce n’est pas seulement le pays de la banque, du chocolat et des montres de luxe, c’est aussi le pays de la culture, du Blues, du Jazz, du Rock, du Classique, de l’Opéra italien. Les festivals de pianos, d’orgues, de violons ont pignons sur rue.

Philipp Fankhauser est le digne représentant de la note bleue, avec sa voix rocailleuse et sa guitare à la Johnny Copeland. Philipp est bien le seul Bluesman au monde à rouler en Rolls-Royce et à monter en claquettes sur les scènes en été, avec son petit chien. C’est qu’il n’a pas la grosse tête, lui au moins, loin de là. En fait, il est resté simple et humble... Je crois que c’est la mentalité du pays qui sait recevoir si bien les touristes. Richard Koechli (gtr), Jan Hartmann (harmo), Nic Niedermann (gtr), Michel Dolmetsch (org), Paul Mc Bonvin (accordéon/gtr) complètent le haut du pavé... Pour le Tessin, nous avons découvert Marco Marchi (gtr), Claudio Egli (harmo), ex fondateur du Capasso Blues Session et festival open air.
Pour les chanteuses, retenons au Tessin Fabienne Palasciano (Jazz et Blues), Yvonne Moore, Lilly Martin, qui se sont déjà produits au festival de Lucerne et aussi, et surtout, la chanteuse d’origine nigérienne Justina Lee Brown qui parcourt le pays en long et en large, néanmoins sans trouver la reconnaissance internationale, surtout pour les Amériques, qu’elle mérite à coup sûr, après avoir remporté dernièrement le Swiss Blues Challenge.

Nous vous relatons maintenant ce qui s’est passé au Casino de Lucerne, pour le Blues Festival de Martin Bruendler
26th Lucerne Blues Festival les 11, 12 et 13 novembre 2021.
Au programme :
Crystal Thomas & The East Side Kings Festival Revue
Franck L. Goldwasser & The Transcontinental Ensemble
Bonita & The Blues Shacks

 

martin bruendlerMartin Bruendler, le Président du Festival

 

Le staff du festival, en la personne du Président Martin Kali Bruendler, a rencontré énormément de difficultés pour organiser cette 26ème édition, aux vues des restrictions drastiques concernant la pandémie. D’habitude, 1500 festivaliers participaient aux longues nuits du Blues dans deux belles salles par soirée : le Panorama Saal et le Casineum du Casino de Lucerne. L’endroit est magnifique, car le lac Vierwaldstättersee se trouve juste en face, surplombé par des hôtels luxueux, dont le Montana et le Grand Hôtel juste à côté, où vous pouvez vous détendre au son d’un piano.
Donc, c’est devant un parterre de 150 convives seulement, pour trois dîners-spectacles de haute volée, qu’a lieu cette édition. Le staff et le personnel sont tellement accueillants et professionnels que l’on ne peut que se sentir vraiment à l’aise. De plus, les musiciens ont leurs propres tables dans le Panorama Saal, ainsi de nombreux fans peuvent les saluer. Magique ! C’est aussi tout à l’honneur du Président Martin que de nous avoir offert la possibilité, à Blues Magazine par mon biais, de participer in-extrémis aux soirées du vendredi et du samedi...
La programmation musicale, dans les conditions précisées-ci-dessus, fut un réel exploit de la part du directeur artistique Daniel Mebold, épaulé par une petite équipe de bénévoles, en réunissant autant de grands musiciens européens et américains pour cette fois-ci encore. La crème de la crème de la scène de la Mecque du Blues texan d’Austin et de Houston était présente à Lucerne, sous l’égide d’Eddie Stout, ancien bassiste de Doug Sam et producteur du label Dialtone Records.

 

east side kings credit eddie stoutEast Side Kings Photo © Eddie Stout


The East Side Kings Festival Revue : Crystal Thomas (cht), Michael Milligan (harmo),
Mike Keller (gtr), Eve Monsees (gtr), EJ Mathews (gtr/cht), Eddie Stout (bs), Mike Buck (bat) et Red Young (pno/org) forment un groupe homogène. C’est l’excellence même, du pur Blues texan. Ils joueront de nombreuses fois au Panorama Saal, car il y avait quelques soirées privées en plus pour les sponsors et l’association du Blues Festival. Et d’après les échos, à chaque fois, ce fut le succès : les musiciens quittaient la scène du Casino sous l’acclamation du public et du personnel.
Crystal Thomas, avec sa voix langoureuse, enchanta tout le monde. Elle quitta à chaque fois la scène au côté de Martin Bruendler, le présentateur des groupes, avec un joli bouquet de fleurs… et parfois avec des larmes de joie. Elle revenait d’une tournée française, essentiellement avec les European All Star Blues avec, entre autres, Luca Giordano, Victor Puertas et Pascal Delmas…
Elle interpréta des titres de son magnifique dernier album Now Dig This chez Dialtone Records, avec la présence magique sur tout le CD du regretté Lucky Peterson (sa dernière apparition). Les titres comme I’m A Fool For You Baby, Baby Don’t Leave Me, Got My Mojo Working, entre autres, ont séduit totalement de nouveaux fans.

 

franck goldwasserFranck Goldwasser

 

La France est à l’honneur avec Franck Paris Slim Goldwasser et son Transcontinental Blues Ensemble. Le groupe de Franck, le Californien de retour depuis peu à Paris, est renforcé par notre Vincent Bucher (harmo) et le fameux Raphael Wressing (kbrd). Le succès fut total, car ce fut du vrai Blues, avec de rares titres que l’on n’a pas l’habitude d’entendre : Don’t Say You, Don’t Give Up, Bring Me My 45, Cryin’ For My Babe, Gypsy Good Trime, Down In The Alley, The Other Way Around, Born To Roam, Low Down, Homesick Blues...
Je me surprenais d’entendre, pendant son chant, Franck dire à son pote de toujours Vincent : vas-y, montre leurs ! J’'en ai eu la chaire de poule, tellement que ce fut beau de voir ces deux-là, pour la première fois, jouer ensemble (honte à moi), malgré qu’ils se connaissent depuis des lustres... Extraordinaire !

 

bonita 1Bonita

bonita brother arltBonita et les brothers Arlt

Mais le meilleur arriva avec Bonita & The Blues Shacks pour le final du festival, le samedi soir. En effet, le groupe des deux frères Arlt, originaire d’Hildesheim, Andreas à la guitare et Maddy Michael, avec leur jeune section rythmique Andre Werkmeister (bat), Henning Hauerken (bs) et Fabian Fritz (pno/org), BB & The Blues Shacks, renforcés de l’extraordinaire chanteuse allemande originaire d’Afrique du sud, ont réussi l’exploit de finir ce festival au summum du Blues. On ne fait rien de mieux sur la planète en matière Blues roots et Rhythm & Blues.
Le chant de Bonita Louw transcende les esprits des uns et des autres. Absolument tout le monde est séduit par ce petit bout de chou, habillé en robe de princesse. Et quand arrive à côté d’elle la grande Crystal Thomas, pour une chanson (Since I Met You Babe), c’est l’osmose totale entre deux chanteuses de cet acabit (dommage que ce ne fut que pour un seul titre). À la fin de cette pépite, les deux Divas s’enlacent longuement, se remerciant mutuellement de cet instant cours, mais magique...
Auparavant, notre Franck national avait rejoint le groupe pour quelques beaux soli à la Goldwasser.
La soirée se finit tôt, dans l’extase de ce lieu où résonne encore la voix de Koko Taylor (Lucerne 2007), et une atmosphère spéciale s’installe quand tout le monde se salue, se congratule, se remercie avec le Blues de RJ Mischo qui passait à ce moment-là sur la sono. La salle a eu du mal à se vider. Le bonheur total, grâce en grande partie à la jolie Bonita.
Guido Schmidt le président d’honneur, peut être fier de sa troupe de bénévoles, ce fut parfait...
J’ai eu la chance de voir les BBies et Bonita au Festival Mécleuves Terre de Blues, à Lahnstein Blues Night et au Freiburg Blues Festival, mais ici à Lucerne, je ne pensais pas que ce concert allait être le meilleur. Je repartais donc fatigué, mais heureux, de la merveilleuse Suisse, avec d’excellents nouveaux CD : Breaking Point et celui de Crystal Thomas, que j’écoutais en chemin sur l’auto radio. J’espère que la prochaine fois, on laissera tomber le masque !

 

E J Matthews 1EJ Mathews

 

PS : J’ai failli oublier de vous parler d’EJ Mathews qui, tout au long de la semaine, n’a cessé d’offrir sa bonne humeur malgré de lourds problèmes de locomotion, surtout le vendredi soir, lors du concert des East Side Kings, en mettant une de ces ambiances en s’octroyant le plaisir de danser avec quelques convives. Courageux le bonhomme, excellent chanteur et guitariste au demeurant. Formidable, il mériterait d’être en couverture du magazine un jour (il me l’a demandé si gentiment). Mais nous, en France, nous venons de perdre notre Patrick alors, que Dieu nous bénisse...!