Par Claude Jandin
Photos © Reynald Reyland

C’est au GrésiBlues Festival, en juillet 2024, que nous avons eu l’occasion de rencontrer ce groupe franco-suisse. Ils se sont livrés à nos questions en toute sincérité.

The Blues Mystery 1

 

Blues Magazine > Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
The Blues Mystery > Le groupe a été formé entre 2008 et 2011. Jusqu’en 2018 nous avions un chanteur français, mais nous n’avions pas les mêmes idées. Il est composé aujourd’hui de Willy Matt (guitare / chant), Gérald Bonvin (batterie), Walter K Thut (guitare / chant) et Irénée Pralong (guitare), et nous avons deux backing vocalists, dont Felice qui est lead vocal maintenant.
Nous avions ce gros tube, Back To The Dirty Town, qui d’ailleurs tourne toujours très bien sur YouTube et toutes les plateformes, et nous avons travaillé les voix pour faire un peu plus de Soul et de Funk. Après, cela devenait compliqué, car je devais partir aux US, et je leur ai dit de chercher un bassiste, et c’est Sam qui a pris la basse, d’une excellente manière : c’est un fou dans sa façon de jouer ! Parfois, nous chantons à 6, pour sortir du Blues classique, avec de nouveaux morceaux depuis un an.

BM > Oui, avec l’album Feeling Of Freedom, qui a marqué un changement de style…
TBM > Oui, et on est passé un cran au-dessus, surtout pour le streaming à l’international. En live, on tourne sur 3 pays, France, Allemagne et Suisse. Mais ce qui est important pour nous c’est de développer des vidéos pour le streaming. Nous sommes suivis partout dans le monde avec de plus en plus de followers. Et les différents musiciens du groupe ont aussi leur activité. Irénée Pralong développe et construit des guitares, Felice fait des piercings… Chaque projet de chaque membre du groupe est important pour le groupe. Nous sommes très contents de cette nouvelle orientation.

BM > Qu’elle est la chose la plus importante dans ce groupe.
TBM > La chose la plus importante a été l’arrivée du bassiste, cela m’a permis de passer à la guitare après 35 ans de basse ! Et puis les plateformes vidéos sont primordiales pour nous. Les jeunes ne vont plus sur les festivals de Blues, et on arrive à les toucher via les réseaux sociaux, c’est une chance pour cette musique. Les jeunes ne connaissent pas forcément cette musique, mais connaissent et aiment les classiques du genre, comme ZZ Top, Hendrix ou Clapton, par exemple, et tout ça grâce aux réseaux sociaux. Il est important pour nous de ne pas négliger cela. Il y a beaucoup de groupe super en live, comme Harlem Lake, mais qui ne s’investissent pas sur les réseaux, et ils perdent beaucoup de public.

BM > C’est intéressant ce que tu dis, car Harlem Lake sont très jeunes et ils passent à côté.
TBM > Souvent je vois des groupes qui jouent à gauche et à droite, mais qui négligent les réseaux…

BM > Ok, mais au niveau gain, ça rapporte plus en live non ?
TBM > Certes, mais cela veut dire qu’il faut encore négocier plus avec Spotify ! Même si on n’a pas des millions de followers, nos 20 ou 30 000 followers nous permettent un certain score. Et notre but est d’être le plus possible reconnus.

BM > Êtes-vous professionnels ou amateurs ?
TBM > Nous avons chacun un métier… Bon moi, je suis à la retraire et Irénée a une activité forte avec sa fabrication de guitares.

BM > Justement, peux-tu nous parler de cette fabrication de guitares ?
TBM > Oui, c’est un gros projet. Je suis menuisier / charpentier, et j’ai intégré une espèce de start up dans cette entreprise, pour fabriquer des guitares, plusieurs modèles, avec des basses aussi. Vous en verrez sur scène tout à l’heure. Cela a commencé l’an passé avec une exposition dans une foire de lutherie. Cela s’appelle Pralong-Guitars, et ça se développe pas mal.

BM > Tu n’es pas luthier de formation ?
TBM > Non, mais je joue de la guitare électrique, pas de la guitare acoustique. Je ne me considère pas comme luthier, mais cela fonctionne, c’est innovant. Ce sont des guitares qui ont un manche traversant, un peu particulière, et qui rassemblent les différents instruments avec lesquelles j’ai joué, Stratocaster, Telecaster et Les Paul. Il y a vraiment un très bon sustain, le son tient longtemps.

BM > Et les essences des bois…
TBM > C’est complètement local. Le manche est en érable, les touches sont en hêtre et le body est soit en mélèze soit en hêtre.

BM > Et côté électronique ?
TBM > J’ai un électronicien qui bobine lui-même ses micros, il est juste à côté de chez moi. On a fait plusieurs essais pour avoir des micros polyvalents. Pour les basses, j’ai un copain près de Marseille qui fait ses micros aussi. J’ai essayé de chercher des choses locales et artisanales haut de gamme.

BM > As-tu été reconnu de suite ?
TBM > Oui, j’ai exposé au MIGS à Montreux (Ndlr : Montreux International Guitar Show), la plus grande foire de lutherie en Suisse, et là ça a vraiment bien décollé.

BM > Et au sujet de l’écriture de vos textes ?
TBM > Nous ne cherchons pas les textes comme dans le Blues classique, où par exemple, ma femme m’a quitté… Nous écrivons des choses de la vie plus profondes, plus personnelles, avec parfois des regards sur la politique de ce monde qui devient fou. Il y a aussi des expériences de vie des membres du groupe, bonnes ou mauvaises, des chansons parfois engagées politiquement. On aime bien chanter en anglais, je pense que cela passe mieux. Les textes viennent du chanteur et des choristes, avec parfois l’aide des autres membres du groupe.

BM > Vous avez fait 4 albums ?
TBM > Oui, The Blues Mystery (2012), Diesel Rock (2015), Soul Memories (2018) et Feeling Of Freedom (2023). Ils sont en vente sur notre stand ce soir, Diesel Rock est aussi en version vinyle.

BM > Tu disais que tu étais parti aux États-Unis. Pourquoi ne pas en profiter pour faire une tournée là-bas ?
TBM > Oh non, c’est trop compliqué. Il faudrait avoir quelqu’un sur place qui y croit vraiment ! Par contre, il y a un festival au Danemark qui a tenu à nous faire venir. C’était super. Il y avait un groupe de chaque pays. Pour la France, c’était Fred Chapellier, mais malheureusement, il a dû annuler pour cause de maladie.

BM > Le Danemark est le plus loin où vous êtes allés jouer ?
TBM > Oui. En France le plus loin c’était à St Savin, pour le Gartempe Blues Festival. Un super souvenir. Comme nous ne sommes pas professionnels, nous prenons le temps de vivre et d’apprécier les moments dans ces festivals. Les professionnels doivent repartir encore et encore… ce n’est pas une vie pour nous. Et puis, c’est compliqué pour la vie familiale quand tu es tout le temps parti.

BM > C’est une passion en fait ?
TBM > Oui exact, mais il y a beaucoup de travail, surtout que nous en Suisse, on a une certaine rigueur (rires). On travaille beaucoup, on se dit les choses si quelqu’un n’a pas assez travaillé…

BM > Vous n’êtes pas dépaysés de ce côté-ci des Alpes ?
TBM > Oui et non, on a l’habitude de la montagne, mais ici le massif de la Chartreuse, c’est magnifique.

Un grand merci à ce groupe suisse charmant et plein d’humour. Leur concert, après cette interview, a vraiment été super et a recueilli l’adhésion d’un large public.

The Blues Mystery 2